Suite à la lecture d’un texte de Freud : « …Dans la schizophrénie, bien des choses sont manifestées sous forme consciente, alors que dans les névroses de transfert, seule la psychanalyse nous permet de prouver leur existence. »
Ceci pose un double problème :
1. Soit des éléments normalement contenus dans l’Inconscient font irruption dans la conscience et l’on pourrait dire dès lors que le ça fait irruption dans le Moi.
Par exemple dans les psychoses aiguës on assiste à des explosions délirantes marquées par l’irruption massive de contenus imaginaires ou inconscients.
2. Soit des liens psychiques ne sont pas faits et ainsi des idées, pulsions, tendances et aspects du Moi, non reconnus par la conscience, sont réifiés.
Réifiés, ils sont placés à l’extérieur, dans le réel, et perçus comme vrais.
C’est bien ce genre de phénomènes qui fonde, à l’évidence, la rupture avec le Principe de réalité.
Ce qui n’est pas reconnu par la conscience, projeté sur l’extérieur, altère profondément le sens de la réalité et fonde l’aliénation.
Mais peut-être ces deux aspects de la question traduisent-ils le même phénomène.
C’est-à-dire l’absence d’une unité psychique ou l’absence de processus de pensée au sens plein du terme, c’est-à-dire de processus psychiques accomplis ayant pour finalité l’accession au Principe de réalité.
On peut donc dire que le mode de pensée schizophrénique est caractérisé par la libération dans la conscience de l’Imaginaire (au sens de Jacques Lacan), d’un imaginaire enserré dans les processus psychique primaires.
La prévalence des processus primaires et la faiblesse subséquente des processus secondaires est explicative de l’impossibilité de l’accès au sens et à la réalité.
En effet seuls les processus secondaires permettent cet accès par le maintien des liens.
Les liens étant maintenus, l’unité psychique est possible.
L’Unité fait que Tout se tient.
En l’absence d’Unité Tout se fragmente.
Et c’est justement parce qu’il n’y a pas de liens au sens psychique dans le vécu schizophrénique que des aspects particuliers, fantasmatiques, imaginaires, « inconscients », autonomes et émancipés font irruption impunément dans le « conscient » schizophrénique.
Ce « conscient » schizophrénique semble bien être le lieu d’un patchwork d’éléments idéiques autonomes et séparés sans lien entre eux.
Est-ce que ce conscient peut être comparé au Conscient normal qui, lui, est caractérisé par des contenus reliés ?
Ce qui fait l’essence même du Principe de réalité c’est peut-être justement ce fait de la liaison mais d’une liaison marquée du sceau de l’unité.
Ce qui fait le « Conscient » c’est peut-être l’émergence ininterrompue dans la conscience de contenus idéiques reliés et dont la finalité est l’adéquation stricte à la réalité.
Alors le conscient schizophrénique est-il « Conscient » ?
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