La symbolique du soleil est en rapport avec l’astre qui nous donne lumière et chaleur et qui permet donc la vie sur notre planète.
La symbolique du soleil va évoluer considérablement du fait d’un changement de perspective fondamental dans le registre des représentations humaines.
Il va d’abord être considéré comme un enfant de la Terre, plus exactement un fils de la Terre, qui naît chaque matin à l’Orient et qui meurt chaque soir à l’Occident.
Le soleil, fils flamboyant de la Terre, est assimilable aux divinités solaires, aux dieux solaires qui meurent et renaissent.
Le mot occident renvoie d’ailleurs à la mort par le biais de l’étymologie latine occidens qui signifie littéralement « soleil tombant ». Donc l’Occident est en rapport avec le soleil qui chute, qui meurt.
Mais cette mort du soleil est suivie constamment par sa renaissance le lendemain à l’Orient. Le soleil couchant est devenu le soleil levant.
Entretemps le soleil dans les conceptions anciennes de l’humanité revient dans le sein maternel ; il revient en quelque sorte in-utéro.
Les angoisses collectives furent fortes et de nombreuses cultures se devaient d’aider le soleil à revenir, à ce que ce passage dans le sein maternel ne lui soit point fatal.
Des cérémonies, ici ou là, pouvaient se dérouler pour accompagner le soleil dans son périple éminemment dangereux dans les entrailles de la Terre.
Cette symbolique est au cœur des conceptions de mort et de résurrection, de retour in-utéro pour renaître à une nouvelle vie.
Et les initiations, les rites de passage, font constamment référence à un retour in-utéro précédant la re-naissance (Cf. Mircea Eliade).
On est également dans le registre des rois sacrés qui devaient être sacrifiés, démembrés, mis en terre, pour renaître et surtout pour assurer la régénération de la nature lors du démarrage d’un nouveau cycle.
Mais le soleil revient et les oiseaux chantent chaque matin le retour de la lumière, le retour de la vie.
Et le coq, particulièrement en France, s’est vu chargé de cette symbolique.
Le coq symbolise en effet le retour de la lumière, et, à ce titre, il demeure encore très souvent sur les flèches de nos églises.
Donc on vient de voir cette première symbolique du soleil dans la perspective où la Terre est au centre de l’univers et que le soleil est en orbite autour d’elle.
Mais lorsque l’homme commence à pressentir que cette façon de voir est erronée il va se produire un véritable tremblement de terre dans les représentations de la vie humaine.
Ce changement de paradigme est préparé par plusieurs autres phénomènes.
D’abord pointe l’idée que l’homme est à l’origine de la conception. Que la femme est fécondée lors du rapport sexuel par le sperme de l’homme, ce qui va avoir un retentissement profond.
Un lien est fait entre le rapport sexuel et la conception.
L’homme prend conscience que la vision magique du réel peut être battue en brèche par autre chose, par l’observation, par une certaine compréhension, par une façon différente de se représenter le monde.
Et dans cette dichotomie entre le monde des femmes et le monde des hommes va s’opérer une divergence dans les façons de penser le monde.
On rappelle les différences préhistoriques structurelles entre le monde des femmes ou des mères et la ligne obscurité/grottes/enfants/laits/affection et le monde masculin avec la ligne jour/solidarité masculine lors de la chasse ou de la guerre/armes/sang.
De cette confrontation de conceptions différentes va émerger progressivement une conception du monde moins magique et plus basée sur l’observation en pleine lumière et sur une démarche intellectuelle approchant de nos concepts de logique et de rationalité.
Sans compter que la lumière est toujours liée, au niveau métaphorique, à l’émergence de l’idée dans la conscience et, par extension, de la conscience elle-même.
Le soleil, source de vie, représente donc, sauf quelques exceptions, la puissance et l’activité masculine et paternelle.
Les exceptions sont certainement liées au fait que le soleil a dû représenter la toute-puissance maternelle dans certaines cultures et à des époques où les mères détenaient effectivement alors un pouvoir colossal.
Quoiqu’il en soit, une fois passée cette phase de conception imaginant un soleil mourant et renaissant chaque jour après un passage dans les entrailles de la Terre, sa mère, le soleil va incarner une énergie constante, fiable, sans tache, source de chaleur et de lumière.
Et s’il est parfois caché c’est uniquement par le fait des phénomènes terrestres météorologiques et on pourrait dire, en suivant les Antiques, sublunaires. C’est la corruption sublunaire qui nous donne l’impression des fluctuations solaires. Mais en réalité il n’en est rien.
Et ces caractéristiques-là vont marquer une opposition nette avec l’autre luminaire, la lune.
Le soleil à la clarté sans tache va représenter un idéal pour l’homme.
Il est vrai que la lune avec sa succession de phases ; ascendante (premier quartier), pleine, descendante (dernier quartier), nouvelle, va particulièrement représenter l’existence humaine avec la naissance, le développement, la maturité, la décroissance ou involution et la mort.
Et le cycle lunaire lui-même a particulièrement signifié la naissance et la mort de l’homme.
Rappelons que la nouvelle lune, avec la disparition apparente du disque lunaire pendant trois jours, a représenté la mort de l’homme.
L’homme a pu s’identifier à cet astre et reconnaître en lui ces phases de la vie auxquelles il est lui-même soumis. Et même plus encore l’homme a pu imaginer, à travers les cycles lunaires, la possibilité des morts et des renaissances, cette répétition infinie qui fait dire à l’auteur ou aux auteurs de la Yogatattva Upanishad : « ainsi par la faute du samsara, les hommes sont comme les augets d’une roue hydraulique ».
En tout cas représentant magistralement l’existence humaine la lune, en outre, a l’outrecuidance d’en montrer les turpitudes.
Oui, ces taches lunaires correspondant aux « mers » supposées de la lune, ont représentés, aux regard de tous, les péchés de l’homme. Sin le mot anglais pour péché, par un hasard surprenant, est aussi le nom d’une divinité lunaire mésopotamienne (Sîn).
Donc on comprend mieux que le dieu Apollon (Phoïbos) représentant le soleil, mais le « soleil invaincu » des conceptions antiques rénovées, va par opposition à la lune « trop humaine ou désespérément humaine », représenter l’idéal de l’évolution de l’homme.
C’est en ce sens qu’Apollon sera le dieu de la lumière, de la clarté, de l’harmonie, de la musique et des arts. C’est le dieu du chiffre 7 (6 + 1).
Et dans la formulation somptueuse que nous a donné Nietzsche de l’opposition entre les mondes apollinien et dionysiaque on peut voir le hiatus entre le monde solaire parfait et idéal et le monde lunaire de l’homme ordinaire et prosaïque. On pourrait, en continuant sur le registre nietzschéen, opposer Adam (le premier homme) et le dernier homme.
Donc Apollon va représenter l’homme unifié, harmonieux, artiste, musicien, pensant vraiment (Pensant) en opposition à l’homme lunaire, fluctuant, ambivalent, double, partagé, fragmenté, en proie à la doxa dirait Parménide.
L’homme apollinien étant un étant de l’être et l’homme lunaire étant un étant sans être.
L’homme apollinien étant de l’ordre de la Buddhi et l’homme lunaire étant du registre de Manas.
L’homme apollinien étant installé dans le Symbolique et l’homme lunaire végétant dans l’Imaginaire.
L’homme apollinien pense à partir de lui-même, ses pensées jaillissent de son for intérieur, ses pensées sont endogènes.
L’homme lunaire réfléchit (il réfléchit la lumière du soleil), il réfléchit à partir de l’extérieur, plus exactement de l’extérieur introjecté en lui (Cf. Alain de Mijolla).
L’homme apollinien est Plein, il ne connaît pas le manque.
L’homme lunaire oscille entre la plénitude de la pleine lune et le manque de la nouvelle lune.
Finalement l’homme lunaire est peu différent de l’homme solaire des premiers temps, tous les deux naissent et meurent, c’est seulement avec l’avènement de conceptions astronomiques nouvelles que l’homme solaire va représenter pour la psyché la dimension apollinienne.
Et la dimension apollinienne, par la sortie du monde sublunaire qui lui est subséquente, par la référence au « soleil invaincu » (Cf. la symbolique du dieu solaire Mithra) va petit à petit incarner, symboliser, métaphoriser quelque que chose de l’ordre d’une immortalité symbolique (Immortalité).
Et c’est cette notion d’immortalité et de salut qui va venir s’imposer dans le monde grec (surtout hellénistique) après les visions homériques décevantes d’un Hadès rempli des ombres errantes des défunts.
Et ce sont ces mêmes conceptions qui vont investir les représentations religieuses, mystiques, des pythagoriciens, des orphiques, des néoplatoniciens, des cultes dionysiaques et pour finir de certaines religions qui deviendront monothéistes.
Il est important de préciser que les conceptions astronomiques qui vont faire vaciller le socle des vieilles représentations ne datent pas de Copernic mais qu’on les pressant bien avant lui dans les textes grecs présocratiques et notamment pythagoriciens.
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Écrits en rapport :
– De l’opposition Soleil/Lune.
– Persée ou la capacité vraie à penser (Penser).
– Orion ou le changement de paradigme.
– Amphiaraos ou la divination par les rêves.
– De quelques significations de la Lune.
– Du sacrifice à la génitalité ou de la dimension phallique de l’existence.