Qu’est-ce que la conscience ?
Le mot conscience vient du latin conscientia qui veut dire littéralement « connaissance ».
Et cette connaissance est obtenue par la perception plus ou moins claire que l’on a du monde extérieur au moyen des organes des sens que sont la vue, l’ouïe, le toucher, l’odorat et le goût.
Les 5 portes de la perception.
La conscience est perception/connaissance.
Et par-delà ce que l’on perçoit du monde environnant, il y a, d’une part, la conscience que l’on a de notre propre fonctionnement corporel par la sensibilité profonde et viscérale et, d’autre part, la conscience que l’on a de notre fonctionnement psychique par la « réalisation » du flux des idées qui émergent et qui nous renseigne sur nos états d’âme, nos émotions, nos pensées.
La conscience se constitue donc, dans l’immédiateté de l’instant, et dans la certitude d’un Moi autonome qui nous représente, qui pense, qui éprouve et qui peut agir sur le monde.
La conscience c’est savoir.
La conscience c’est com-prendre, c’est littéralement « prendre avec soi ».
La conscience réalise l’union indéfectible, dans l’acte même de com-prendre, du Moi – de l’idée – et du monde.
L’axe inconscience/conscience.
Evoquer, là, l’inconscience, paradoxalement, représente la façon la plus simple de décrire le phénomène même de la conscience qui survient, qui surgit, qui jaillit au cœur de la personne, en une sorte de mouvement ascendant.
Les idées, les représentations mentales, les affects émergent dans la conscience un peu comme des bulles d’air qui remontent des profondeurs aquatiques pour éclater et crépiter à la surface de l’eau.
Comme si, invisibles, indétectables, inconnues, ignorées, soudain elles se « matérialisent » l’espace d’un instant pour apparaitre dans la lumière de la conscience.
Et ce qui remonte ainsi est constitutif à la fois du plus intime en nous mais aussi du socle intellectuel permettant de construire notre compréhension du monde extérieur.
La fonction de conscience, inexorablement, se résume dans cette formule laconique du « je suis là ».
Et la force de ce « je suis là », la puissance du Moi et du « je » qui le dit est liée à la connaissance que le Moi a de ses parties inconscientes devenues conscientes.
Ainsi plus ce qui constitue le Moi est de nature inconsciente, plus le Moi est faible et a contrario plus le Moi prend conscience de ses parts inconscientes et plus il devient harmonieux et fort.
On comprend dès lors pourquoi le but de tout travail sur soi est de permettre la prise de conscience des soubassements inconscients du Moi c’est-à-dire de sa part des ténèbres.
Il y a 2 sortes d’inconscient ; il y a l’inconscient irréductible qui reste toujours inconscient, c’est l’Inconscient proprement dit et il y a l’inconscient relatif, qui peut devenir conscient et que l’on appelle Préconscient ou Subconscient.
L’Inconscient irréductible est très lié au biologique, au somatique, à la génétique.
Le Préconscient, quant à lui, est préférentiellement régi par les représentations de mot, il est de fait très lié au langage.
Et c’est dans ce flux allant de l’Inconscient irréductible au Préconscient des représentations de mot et du langage que peut s’effectuer ce fameux travail sur soi, cette fameuse prise de conscience, garants de la fortification du Moi.
Nous allons montrer maintenant que le monde antique, à travers sa pensée mythique, a, de façon constante, compris l’essence du phénomène de la conscience comme justement un passage incessant d’éléments idéiques d’un fond obscur d’inconscience à une zone lumineuse de conscience.
Certes à l’origine, en des temps lointains, préhistoriques, matrilinéaires, la Grande Déesse a représenté la connaissance elle était d’ailleurs appelée « la Mère de tous les savoirs ».
Puis les temps patrilinéaires ont tout submergé, les vieux savoirs se sont perdus pour être repris par les représentants des divinités masculines au premier rang desquels se trouvent :
Zeus ou la claire conscience olympienne, dont les attributs sont le tonnerre, ou percussion de la conscience, et l’éclair ou éclaircissement de la conscience.
Hermès, le messager des dieux, qui informe à partir des profondeurs.
Hadès, le dieu des Enfers, « celui qu’on ne voit pas » puisqu’il personnifie l’Inconscient.
Mais en latin Hadès est Pluton, c’est-à-dire « le riche ».
Mais pourquoi Hadès, le dieu des Enfers, le Pluton des Latins est-il nommé « le riche » ?
Certes la terre est riche, elle qui nous offre tous les bienfaits, tous les dons ; les céréales, les arbres fruitiers, les animaux, la croissance démographique.
Mais la terre est riche en sa profondeur aussi par ses mines ; mines de charbon, d’argent, de cuivre, d’or, de diamant, etc.
Mais plus métaphoriquement encore la terre, lieu de notre inconscience, est richissime car du fond de son obscurité, de son invisibilité et de son mystère elle produit pour nous à foison la connaissance dont nous avons besoin pour nous orienter dans la vie.
Et cette connaissance nous l’obtenons à condition que nous ayons la volonté de transformer la matière brute, le minerai, qu’elle recèle dans ses profondeurs, le plomb psychique, en ce métal incorruptible qu’est l’or.
Il s’agit bien sûr de ce travail sur les représentations évoqué plus haut.
Poséidon, étymologiquement, l’époux de l’idée (poseis eidon) parce que marié à Amphitrite qui est une Néréide ou divinité marine des profondeurs.
Poséidon, à ce titre, préside, métaphorise lui aussi, à la remontée des idées à la surface de la conscience.
Et pour finir le dieu Apollon, dieu de la lumière, dieu de l’harmonie, des arts, de la musique et de la médecine.
C’est le dieu de la pensée et dont les cheveux sont de la couleur noire bleutée de ces fleurs.
Delphes était le lieu de son oracle, un des plus célèbres de la méditerranée, où la Pythie, dans un état second du fait des vapeurs enivrantes du laurier, répondait à toute question.
La conscience comme quête de compréhension logique du monde.
En résumé de ce qui vient d’être dit, la Conscience est ce qui remonte des profondeurs du Moi dans l’instantanéité, de « l’ici et maintenant ».
Et ce Moi, qui est au centre de mes perceptions et compréhensions, paré de ses humeurs et de ses émotions, se tient là, dans le « je suis là », dans l’être du Dasein du grand philosophe allemand existentialiste et phénoménologiste, Martin Heidegger.
Mais avant lui un autre grand philosophe, français celui-là, avait ébranlé le monde de la philosophie avec cette phrase d’une profondeur inouïe « je pense donc je suis », cogito ergo sum.
« Je pense donc je suis », « Je suis là », deux phrases d’une simplicité déconcertante, deux phrases d’une importance capitale qui fondent le socle, l’assise, du questionnement et de la recherche intellectuelle dans le « je suis là ».
Le flux des idées et pensées et représentations mêle, dorénavant, aux sensations les plus intimes, les plus personnels, l’ordonnancement structuré, organisé, rationnel et logique qui permet de donner du sens au monde extérieur, qui permet à l’homme de s’orienter dans le réel.
Et un autre philosophe allemand reprend le texte fondateur de Descartes « Le discours de la méthode » et précise dans son œuvre magistrale « les méditations cartésiennes » que la structure de la pensée est liée à la structure du réel.
Il y aurait coïncidence entre les visées de la conscience et l’objet même de la connaissance.
Et pour le dire autrement la noèse (acte de penser) de l’esprit humain serait en lien avec l’objet de la connaissance.
La naissance de la conscience morale.
Au fur et à mesure que se développe la conscience claire de mon Moi, de ce qu’il veut et désire, de ce qu’il trouve bien, beau et bon ou au contraire de ce qu’il déteste, refuse et fuit, va progressivement s’opérer une prise de conscience de l’Autre.
Ce que je veux l’autre le veut.
Ce que je fuis, l’autre le fuit.
Ce que je ne veux pas pour moi, l’autre assurément ne le veux pas pour lui.
Comment, dès lors, infliger à l’autre ce que je ne veux pas pour moi ?
Et ainsi naît l’éthique, la conscience morale.
L’homme, au départ, recherche de bonnes choses pour lui et ce bien être recherché va progressivement diffuser sur ses proches ; ses parents, sa femme, ses enfants, sa tribu, son clan, son totem, sa patrie.
Et si l’on pousse encore un peu ce désir de bien-être pour l’autre il peut aller jusqu’à l’étranger, l’inconnu…
Mais cela est difficile et là va se situer l’écart, historiquement, entre le Barbare et l’homme civilisé.
Certes le Barbare a ses proches ; sa femme, ses enfants, ses parents, sa tribu…
Mais, quand la marmite est vide que les enfants ont faim, que les femmes inquiètes deviennent harpyes, furies ou mégères, alors les hommes prennent leurs casques, armures et boucliers, leurs haches bien tranchantes, leurs épées affutées, ils montent dans leurs drakkars et vont piller, massacrer sans pitié les autres ; hommes, femmes, enfants et vieillards, pourtant identiques à eux-mêmes.
Là on protège les siens et on meurt en héros s’il le faut pour les sauver parce que la vie a une grande valeur.
Là on tue l’étranger, l’inconnu, pourtant le même, parce que la vie n’a aucune valeur.
Et c’est à ce point-là que l’on peut véritablement mesurer la dimension éthique d’un peuple.
Alors, reprenons ce qui vient d’être énoncé à propos de la Conscience.
La conscience est perception/conscience de Moi et du monde.
La conscience est connaissance rationnelle et logique de ce monde avec lequel je peux interagir.
La conscience devient aussi conscience morale et permet dès lors la capacité de jugement.
Mais, me direz-vous, comment arrive-t-on à cette conscience claire, harmonieuse et paisible, alliage le plus pur de la conscience de soi, de l’intelligence et de l’éthique ?
L’essentiel, bien sûr, réside dans la capacité à reconnaitre ce qui nous appartient, ce qui nous est propre.
Epictète, grand philosophe stoïcien antique disait : « la seule chose qui nous appartient est ce qui nous est propre » !
Il faut certes se poser, être extrêmement attentif à soi et conscient de ce qui remonte des profondeurs de sa part des ténèbres comme évoqué précédemment.
Il faut savoir s’écouter et accepter les éléments idéiques qui surviennent de temps à autre, qui nous paraissent parfois étranger mais qui sont en « nous », qui sont de « nous ».
Et peu à peu ces éléments idéiques brutes, constitutifs de l’activité fantasmatique, qui remontent à la surface vont progressivement être « reconnus » et acceptés par le Moi, vont considérablement enrichir et fertiliser ce dernier et permettre un élargissement de la personnalité mieux à même, dès lors, de comprendre et d’aimer l’autre comme soi-même.
Le Moi qui s’élargit, qui s’enrichit et se bonifie se rapproche inexorablement du Soi.
Mais, a contrario, le refus d’être à l’écoute de soi, la non-prise en compte des motions qui remontent des profondeurs du Moi, sont à l’origine de l’assèchement de la pensée, de la non-évolution personnelle, et du fait de se réfugier sur une dimension prosaïque, pratique, conventionnelle de l’existence qui amoindrit le sentiment d’altérité et donc la dimension éthique.
La dialectique peut-elle nous aider à réaliser cette conscience/connaissance éthique et altruiste ?
Nous sommes déjà symboliquement dans les profondeurs occultes de la caverne, nous sommes en terre d’inconscience, et comme des mineurs de fond, ensemble, à la pioche, à la pelle, nous nous attaquons au minerai de plomb, pour en extraire la substantifique moelle.
Un travail est fait, un « dire » en quelque sorte, et à partir de ce « dire », chacun extrêmement attentif laisse remonter en lui ses impressions, ses pensées, ses émotions, puis, voulant partager avec ses paires ce qui est remonté en lui, il demande la parole qui lui est accordée.
Et cette Parole à son tour déclenche chez ses sœurs et frères en humanité d’autres réflexions, d’autres émotions, d’autres sentiments qui enrichissent considérablement le travail initial.
Ces remontées en cascade font que le minerai de plomb évoqué tout à l’heure devient l’or des philosophes.
Ce travail est assurément l’outil qui permet de gagner en conscience, en connaissance et en éthique.
Il métaphorise parfaitement ce que nous appelons la prise de conscience, entre les bornes du Soleil et de la Lune, les colonnes de la Mère et du Père, socle intégré des instances parentales.
Ce travail nous garantit l’expression verbale dans le cadre du collectif, dans les clous de l’Egrégore comme jadis les assemblées de soldat permettait à quiconque de sortir du rang, de se désolidariser de la phalange, pour prendre la parole.
Et cette parole garantie au soldat, quel que soit son rang, quelle que soit sa place dans la société, se transposera sur le forum pour donner naissance au miracle de la démocratie.
Et ce moment extraordinaire qui se produit, de l’individuel au collectif, en cette zone d’échange, ou sur le forum athénien, est à l’image de la révolution qui se produit au plan individuel quand on laisse s’opérer le travail de Poséidon, c’est-à-dire la remonté des Néréides, la remonté des idées des profondeurs abyssales de l’Inconscient dans la clarté apollinienne, olympienne, de la Conscience.
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