Persée, fils de la lumière, fils du soleil, doit partir ramener la tête de la Méduse à la demande du tyran Polydecte. Revenant de sa mission il libère Andromède du danger que représente un monstre marin envoyé par Poséidon.
Dans les deux cas il s’agit d’un personnage dont le nom contient medea dont la racine MAD signifie aussi bien parties génitales que pensée.
Le second est plus directement interprétable puisque Persée libère Andromède (de andros ; homme et med ; pensée), c’est-à-dire qu’il libère la pensée de l’homme.
Dans le premier Méduse (Μέδουσα), est une des trois Gorgones (de Gorgos ; effroyable) avec Euryalé et Sthéno.
Elles étaient fille de Phorcys (de Phorusso ; souiller, salir) et de Céto.
Méduse, d’une grande beauté, fut violée par Poséidon dans le temple même d’Athéna et devint mère de Pégase et de Chrysaor.
Athéna (déesse de la Sagesse) outragée changea sa chevelure en une multitude de serpents et la rendit si effroyable que ceux qui la regardaient en restés pétrifiés ou médusés.
Certains ont assimilé Méduse à la Grande-Mère des hommes et des dieux.
Ainsi nous trouvons dans le mythe une opposition entre deux divinités féminines, l’une représentant une énergie sexuelle féminine indifférenciée, l’autre Athéna, la déesse de la sagesse, celle qui sort armée de pied en cap du crâne de Zeus.
A quel danger fait-elle référence ?
Les serpents se retrouvent dans d’autres axes symboliques.
On sait que les Erynnies qui symbolisent la culpabilité ont la tête couverte de serpents.
Et bien sûr le jardin d’Eden où le serpent est à l’origine de la chute.
Eden, c’est ce commandement « tu peux manger des fruits de l’arbre de vie, mais des fruits de l’arbre de la connaissance du bien et du mal tu ne mangeras pas ».
Le danger est-il pour l’homme comme cela est dit dans la Genèse hébraïque de se référer à son propre système de référence à savoir à une vision purement intellectuelle – rationnelle au détriment d’une connaissance intuitive ?
Cela pourrait être en lien avec l’aspect séduisant de Méduse qui est parfois mis en avant.
Mais on sait que ce qui est effrayant est souvent extrêmement séduisant.
D’ailleurs c’est l’extrême séduction exercée par Méduse qui est responsable du viol de celle-ci dans le temple d’Athéna par Poséidon.
Le danger qu’elle représente est défini comme pétrification.
La pétrification figure l’impossibilité à penser.
Cette impossibilité à penser du fait de la pétrification par une vision trop intellectuelle nous fait associer sur le Labyrinthe, construit par l’architecte Dédale, et qui représente le parangon de l’impasse ou de l’aporie.
On sait que Jung s’amusait à comparer l’Intellect à Méphistophélès en personne.
Coïncidence troublante le mythe fait intervenir par deux fois Poséidon dont on sait qu’il signifie l’émergence de l’idée venant des profondeurs mais dont la femme Amphitrite donne naissance à des êtres soit monstrueux soit humains. La structure du nom avec amphi, qui signifie « les deux », marque de façon évidente l’ambivalence.
Et cette ambivalence nous renvoie au texte de Parménide lorsqu’il décrit l’humanité à deux têtes, l’humanité de la doxa !
Mais on peut y voir aussi dans la production d’êtres monstrueux une indication sur ce que donne le retrait par opposition aux figures idéales des héros de la mythologie qui correspondraient quant à elles à l’ouvert sans retrait.
Enfin certains ont pu interpréter le mythe de Méduse comme une représentation du monde protohistorique matriarcal et chtonien par opposition à un monde qui serait patriarcal et olympien.
Cela rejoint les interprétations données de Méduse comme représentant la Grande-Mère archaïque des hommes et des dieux (Cybèle).
Des analystes post-freudiens dont Ferenczi S. ont vu dans l’aspect médusé le trouble du petit garçon devant le sexe maternel dépourvu de pénis.
Pour eux Méduse représenterait l’angoisse de castration ressentie alors par le petit enfant masculin.
Cette fantasmatique expliquerait pourquoi le masque de la Gorgone fut fixé sur l’égide d’Athéna et pourquoi l’effigie de Méduse se retrouvait sur les boucliers de nombre de guerriers afin de troubler, d’épouvanter l’adversaire.
L’ouvert hors-retrait dont parle Heidegger serait-il de l’ordre d’une sortie (existence) du connu, du monde maternel archaïque ?
Est-ce une façon de quitter l’orbe maternelle et le risque d’attachement, de fixation, de culpabilisation avec au bout la punition et l’échec ?
Est-ce une façon de se référer à un univers phallique prévalent avec la dimension apotropaïque qui lui serait associée ?
Alors la question de l’intellectualisation forcenée impliquerait bien au cœur de son procès quelque chose de l’ordre du désir œdipien et donc de la culpabilité (Erynnies) et de la sanction avec Œdipe se crevant les yeux (ce qui serait un équivalent de la castration) ?
Et on retrouve là la question de voir ou de ne pas voir ce qui revient, on le sait maintenant, à la question d’être ou de ne pas être !
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