Cette question est liée d’emblée à celles de la Toute-puissance, de l’absence de limites et de la transgression.
L’empereur s’approche de quelque chose de l’ordre de la « Totalité » tout en étant peu préparé, psychologiquement, à assumer un tel pouvoir.
La mégalomanie et l’absence de règles, lois et limites, le fait qu’il n’a de comptes à rendre à personne, tout cela joue sur sa structure mentale de façon très négative et peut le faire régresser jusqu’à des organisations limites voire psychotiques de la personnalité.
Il va représenter le tyran, l’anti « Roi », le contre modèle du sage.
Le sage représentant celui qui atteint à la « Royauté ».
La sagesse, la « Royauté » consistent exactement dans le renoncement au « monde » et au pouvoir.
Et vaincre le « monde » revient justement au vrai pouvoir (Pouvoir).
Certains empereurs, comme Marc Aurèle, recherchent néanmoins à atteindre cette « Royauté ».
Marc Aurèle est le roi qui aspire à la « Royauté ».
Le Bouddha, Salomon, en d’autres lieux, en d’autres temps, furent également rois devenus « Rois ».
Le « Roi » met son Pouvoir au service de l’Amour.
L’anti-Roi met son pouvoir au service de la mort, de la haine, de l’humiliation d’autrui, de la transgression des règles sociales les plus élémentaires.
Le pouvoir et la toute-puissance de l’anti-Roi amènent le misérable individu à un état crépusculaire de la conscience avec confusion et fragmentation de la personnalité.
Pour résumer on retrouve chez l’empereur, victime lui-même de son statut hors limites, la toute-puissance, le tout-pouvoir, la fragmentation du moi, l’hypersexualité (femmes légitimes, maîtresses, prostituées) et les transgressions ayant valeur, elles-aussi, d’expression de la toute-puissance phallique.
Mais il faut aussi comprendre que l’hypersexualité correspond à un trait souvent associé à la royauté dans la mesure où le roi se doit d’être prolifique.
Comme Zeus est le parangon même de l’hypersexualité.
Il est bon pour le cosmos, pour la nature, les plantes, les bêtes et les hommes que le roi soit prolifique.
En cela réside l’aspect apotropaïque de l’hypersexualité royale.
La dimension apotropaïque avait, dans l’antiquité, la signification profonde de protection contre le mauvais sort, contre le mauvais œil, contre l’envie.
L’hypersexualité de Louis XIV, par exemple, était considérée comme bonne pour le pays.
Dans la mythologie grecque on retrouve ces axes symboliques liés à l’hypersexualité avec notamment le dieu grec Pan, fils d’Hermès, et les cohortes de satyres des bandes dionysiaques.
On peut évoquer également le vieux dieu romain Liber pater, avec les déambulations de la représentation phallique, et l’incitation à la sexualité et à la fécondation qui lui sont subséquentes.
Ainsi l’empereur romain se devait d’incarner tous ces aspects, aspects que l’on retrouvent particulièrement chez Tibère dénommé en son temps le « vieux bouc ».
Le bouc étant l’animal qui symbolise au mieux l’hypersexualité.
Mais le bouc est aussi l’animal du sacrifice, rappelons que le mot tragédie vient du mot grec « tragos » qui signifie bouc.
Comme on le voit derrière la problématique de toute-puissance de l’empereur ou du tyran se profile un arrière-fond mythique où l’hypersexualité du roi apparaît comme bienfaisante et garante du renouvellement cyclique de la vie et de la fertilité des plantes, des bêtes et des hommes.
Certainement on rejoint là les notions protohistoriques du roi-sacré.
Et le roi-sacré quand il vieillissait ou lorsqu’il présentait des signes évidents de fléchissement de son pouvoir génésique était sacrifié.
D’après G. Puccini-Delbey, Suétone effectue une hiérarchie des empereurs romain autour de la question vertus – vices.
« …Suétone construit ainsi subtilement une hiérarchie parmi les douze Césars en organisant le récit de leur vie autour d’une antinomie fondamentale entre vices et vertus. Les princes dont les vertus l’emportent se caractérisent par leur humanité, leur capacité à gouverner et une vie privée « normale », tandis que les princes dont les vices l’emportent possèdent l’inhumanité des monstres, l’incapacité à gouverner et une vie privée « anormale ». Auguste arrive en tête, il représente le prince qui a su fournir le modèle politique le plus satisfaisant, Othon et Titus bénéficient d’une image très favorable, suivis par César et Vespasien. Sur le plan de la vie privée, César et même Auguste apparaissent toutefois comme de jeunes débauchés. Tibère, Galba et Domitien ont une représentation défavorable. Tibère est l’image du vieillard libidineux. Caligula, Néron et Vitellius sont rangés dans la galerie des monstres, débauchés permanents, inhumains et cruels… » (Puccini-Delbey Géraldine La vie sexuelle à Rome).
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