Des profondeurs abyssales de la terre et des eaux aux sommets de l’Olympe plusieurs figures divines vont nous montrer le lent et sinueux périple.
Certes les forces élémentaires de la nature, forces titanesques, mettent en scène déjà des « outils » transformateurs comme le feu. Ils s’agit de « transformer » pour permettre à des « énergies », à des « idées » de s’associer, de s’intégrer, afin de pouvoir accéder à la conscience.
Et cette conscience, une fois advenue, doit impérativement poursuivre sur le chemin de l’association pour aller plus loin encore vers l’intégration et l’harmonisation.
C’est à ce prix que la conscience pourra devenir une conscience unifiée et harmonisée, bref une conscience génitalisée au sens freudien du terme (Conscience).
Il y a d’abord le « feu », le feu des Cyclopes, ces géants, ces monstres du feu terrestre, avec leur œil unique au milieu du front qui semble signifier leur concentration, leur focalisation, sur leurs œuvres, sur leurs arts, sur leurs travaux…
Il y a également les Cent bras et leur force inépuisable, leur puissance de travail colossale, leur désir d’agir et de modifier.
Les forces de l’Inconscient, avec leurs directions embrouillées et inextricables, poussent néanmoins vers la surface, vers l’ « air » et la « lumière ».
Les forces élémentaires, « Intelligence », « Clarté », « Mémoire », « Force », « Pilier », « Bélier », « Feu céleste » etc. veulent s’émanciper, se lier, s’associer pour pouvoir enfin s’exprimer, s’extérioriser.
En effet seules et isolées, opposées à leurs contraires, presque « perdues » à elles-mêmes, ces forces ne peuvent émerger, car « conscience » ne va pas sans « relations », et sans « présence » à soi-même.
Et c’est dans ce cadre générale de poussée irrésistible vers la « Lumière » que les filles de Nérée et de Doris, les Néréides, installées dans leur palais au fond des océans, aspirent à remonter à la surface.
L’une d’elles, Amphitrite, est bien la femme de Poséidon, étymologiquement l’époux de l’idée. Nous avons bien là la représentation de la remonté « d’entités idéiques » vers la surface, vers ce qui va se constituer comme conscience.
Et c’est ainsi que Léto, la fille de Phoebé « la Brillante » et de Coeos « Celui qui pense », va donner naissance à son fils Apollon, le dieu radieux et solaire de la mesure et de l’harmonie, ainsi qu’à sa fille Artémis la Vierge protectrice de la naissance et de la croissance, aspect éminemment lunaire, des êtres et des idées. Sa tête était d’ailleurs ornée d’un croissant de lune.
Et c’est Styx, l’Océanide, le fleuve des Enfers, qui se verra récompensée du fait de ses « bons » choix en devenant la garante des serments indispensables qui participent à la cohésion.
Et Eurynomé, Océanide également, eut de ses amours avec Zeus, des filles nommées les Charités ou les Grâces en latin.
Ces trois Grâces étaient Thalie (la Verdoyante), Aglaé (la Brillante) et enfin Euphrosyne (la Joie intérieur).
Et Mnémosyné, une Titanide, aura de ses amours avec Zeus neuf filles dénommées les Muses ; Clio (Histoire), Euterpe (Musique et dithyrambe), Thalie (Comédie), Melpomène (Tragédie), Terpsichore (Danse), Erato (Poésie amoureuse), Polymnie (Poésie lyrique), Uranie (Astronomie) et Calliope (Poésie épique). Elles disent toujours la vérité de ce qui fut, de ce qui est et de ce qui sera à partir de choses fausses.
Et Mètis la première épouse de Zeus, déesse de la Sagesse et de l’Intelligence, celle qui aurait pu mettre au monde un fils qui aurait détrôner son père Zeus, Mètis est de ce fait avalée, engloutie, par ce dernier après qu’il eut appris la prédiction.
Mais malgré cette incorporation Mètis continuera à faire profiter Zeus de sa sagacité, de son « expertise ». C’est Héphaïstos, le dieu des arts, qui, d’un coup de marteau sur le crâne de Zeus, libère sa fille, Athéna, la déesse de la sagesse ayant la chouette pour emblème.
Zeus, ou du moins son crâne, apparaît là comme le contenant, la matrice, de la fille qu’il a eu de Mètis et il revêt ainsi certains attributs des divinités maternelles qui l’ont précédé.
Et Chronos, qui, d’un coup de serpe, « castre » le « sans-limite » Ouranos, met en quelque sorte un terme à la vie d’avant la naissance et actionne le Temps, et le Désir (Aphrodite) et la guerre (les Méliades ou nymphe des frênes) et la culpabilité ainsi que la vengeance (Erynnies).
Et Sémélé, la fille de Cadmos et d’Harmonie, séduite par Zeus mais littéralement consumée par la contemplation de la toute-puissance phallique de ce dernier, elle « s’efface » en tant que mère et Zeus, s’il veut sauver l’enfant, qui n’est autre que Dionysos, doit l’installer dans sa cuisse et remplir pour une deuxième fois la fonction maternelle.
Ces affaires de « maternité », de « matrice », nous montrent bien que l’évolution, le progrès, et en l’occurrence ici la montée en puissance de la conscience, passe par le retour cyclique dans les profondeurs qui a valeur symbolique de retour in-utero.
Dionysos incarne la volonté humaine de sortir d’elle-même (ex-tase) et plus particulièrement des carcans par trop intellectuels, par trop rationnels, afin de s’orienter vers une connaissance plus unitive de soi-même, de l’autre et du monde.
Et si cette connaissance est passée, jadis, par le feu de l’alcool et la redécouverte de l’importance fondamentale de la dimension phallique de l’existence, elle a pu s’intégrer totalement, après certes un temps d’oppositions et de troubles, à la culture grecque antique et particulièrement au culte d’Apollon.
Les dimensions apolliniennes et dionysiaques de l’existence se sont harmonisées et les cultes respectifs ont pu être rendus dans les mêmes lieux, Delphes notamment.
Et Maïa, une des sept Pléiades, aura de Zeus un fils, Hermès, messager des dieux, inventeur des poids et mesures, gardien des routes et des carrefours sous la forme de l’Hermès ithyphallique, protecteur des voyageurs et des commerçants, dieu des orateurs, des rhéteurs et donc des menteurs, psychopompe.
Mais toutes ces qualités positives qui cherchent à s’exprimer, à s’imposer, à se hisser vers la lumière de la conscience unifiée et harmonieuse sont contre-carrées, entravées, empêchées par les forces immenses de la résistance repérées tout au long de cet exposé.
Ces forces s’originent, certes, dans « Chaos » et « Nyx », sorte de matrices de la pulsion de mort, elles s’alimentent d’Éris et de Discorde et de la Haine du bon Empédocle, mais aussi des Titans réfractaires à l’unification, à l’intégration et à l’harmonisation ainsi que de leurs descendances négatives ; les Harpyes qui souillent, les Gorgones qui pétrifient la pensée, les Grées desséchées, le dragon du jardin des Hespérides qui garde les pommes d’or, Scylla le monstre terrible du détroit de Messine, l’Hydre de Lerne et ses obsessions mortelles, sans parler du terrifiant Typhon qui faillit vaincre Zeus lui-même.
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