Il convient d’évoquer la question du symbole et, par-delà ce qu’il représente, de tenter de se comprendre ce que l’on appelle fonction symbolique.
Qu’est-ce que le symbole ?
Pour le Larousse, le symbole est la représentation « imagée, figurée, concrète, d’une notion abstraite ».
Pour le Robert, il est « ce qui représente autre chose en vertu d’une correspondance analogique » ou encore un « objet ou fait naturel de caractère imagé qui évoque, par sa forme ou sa nature, une association d’idées « naturelles » (dans un groupe social donné) avec quelque chose d’abstrait ou d’absent.
Il est encore un « élément ou énoncé descriptif ou narratif qui est susceptible d’une double interprétation, sur le plan réaliste et sur le plan des idées ».
Il est encore de l’ordre de l’allégorie, de la comparaison, de la figure, de l’image, de la métaphore.
Venant du latin chrétien symbolum il se veut aussi « symbole de reconnaissance ».
Pour Piaget il y a symbolisation dès que le sujet est capable de représenter quelque chose par autre chose.
Pour Freud, « l’essence du symbolisme consiste en un rapport constant entre un élément manifeste et sa ou ses traductions ».
Le symbolisme est dès lors conçu « comme un mode de représentation indirect et figuré d’une idée, d’un conflit ou d’un désir inconscient… En ce sens pour la psychanalyse tout ce qui tient à la symbolique, est de l’ordre de la formation substitutive » (Laplanche et Pontalis : Le vocabulaire de psychanalyse).
Freud situe la naissance des fonctions symboliques au moment où l’enfant devient capable de simuler par le jeu, l’absence ou la présence de la mère. Il formulera cette hypothèse en observant un enfant de 18 mois qui, lançant un objet loin de lui, disait Fort (parti) et qui ramenant cet objet à lui au moyen d’une ficelle, s’écriait Da (voilà). Ainsi l’enfant, tout en maîtrisant le vécu d’abandon lié à l’absence de la mère, inventait le symbole en naissant au langage.
Ainsi le mot devient un signifiant dont la nature n’est que d’être « symbole » d’une absence (Hesnard : De Freud à Lacan).
Ainsi la représentation mentale, le mot, le symbole sont l’évocation même de la chose absente.
Et la fonction symbolique correspond au processus qui permet le passage continu d’une représentation, d’un mot, d’un symbole à un autre.
Autrement dit la fonction symbolique est ce qui permet de se dessaisir d’une représentation mentale pour pouvoir passer à une autre !
La fonction symbolique est donc la fonction qui permet de se représenter mentalement un aspect, une qualité, un élément du monde et de pouvoir rompre avec cette représentation pour pouvoir épouser une autre représentation représentant un autre aspect, une autre qualité, un autre élément du monde.
Cette incessante décantation par succession de symboles, ce processus métaphorique permanent, cette distillation sans fin, ce passage de chose en chose mais en choses de moins en moins choses et de plus en plus abstraites représente véritablement un processus de « dématérialisation », de « dédensification ».
On rejoint là la métaphore maçonnique qui consiste à « dégrossir la pierre brute » !
On rejoint là l’idée du processus alchimique où se qui se transmute en or n’est plus vraiment le métal mais le plomb psychique.
Et dans cette succession-là, par cette respiration incessante, par cette faculté d’abstraction permanente, le sujet est à même d’assurer quelque chose de l’ordre de la vie psychique.
Mais ce jeu-là implique pour être effectif que jamais rien ne soit ajouté à la représentation.
Juste ce qui vient, sans jamais rien ajouter, juste ce qui apparaît sans jamais s’attacher !
Et ce juste là, dans sa simplicité même, représente le leitmotiv des stoïciens.
Et ce juste là, dans sa fonction de rupture, recouvre la notion hegelienne de scepticisme radical.
Il n’y a pas une représentation du monde, qu’elle soit concrète ou abstraite, il n’y a pas un système de représentations du monde qui vaille la peine d’échapper à cette Loi-là !
C’est le prix à payer pour pouvoir véritablement penser, c’est le sacrifice à consentir pour accéder à quelque chose de l’ordre de la Réalité.
Et cette rupture est à chaque fois un véritable déchirement, une façon d’affronter les ténèbres, une occasion d’assumer sa solitude fondamentale, un franchissement du connu à l’inconnu, mais pour pouvoir passer, pour pouvoir dépasser, pour pouvoir assumer quelque chose de l’ordre d’une renaissance.
L’étude des rites initiatiques est éloquente pour nous convaincre de cela.
Penser est à chaque instant la réalisation symbolique du meurtre d’un monde ancien afin d’assurer la naissance symbolique d’un monde nouveau.
Penser, est assumer cette dialectique incessante d’une petite vie faisant suite à une petite mort.
Et seule la permanence de cette suite-là permet d’assumer la réalité de son individualité dans la Réalité du monde.
Et dans cette suite-là, il y a quelque chose de l’ordre du sens.
Mais cette suite des signifiants, pour permettre l’authentique fonction de penser, est corrélative de ce que l’on appelle en psychologie le processus secondaire caractérisant une énergie psychique apparaissant comme liée, s’écoulant de façon contrôlée. Autrement dit les représentations sont investies de manière stable permettant la mentalisation.
Il faut préciser que le processus secondaire est indissociable du principe de réalité.
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