De même que le Primitif conçoit une âme pour tous les êtres, il va imaginer une entité originelle, toute puissante, et créatrice du monde.
Sur cet être suprême va se greffer un double processus de projection ; celui d’une structure absolue de la psyché humaine et celui d’une idéalisation.
Ainsi cet Être universel, origine du monde, incarne les notions de « Perfection », de « Justice », de « Beau », de « Bien », de « Bon », de « Lumineux », d’« Unique », etc.
Il représente les images parentales idéalisées et la Sainte Providence est bien dans la suite de la croyance du petit enfant en la toute-puissance parentale.
Feuerbach fut le premier à dire que « L’homme projette hors de soi les propriétés de son être comme des idéaux infinis ».
Mais bien avant lui Xénophon avait remarqué que les hommes représentent leurs dieux comme eux-mêmes !
Une autre approche de la « divinité » fut expérimentée pendant des millénaires par les rishis indiens au moyen de techniques mentales.
Par un déconditionnement absolu, et sans jamais succomber au dualisme de la pensée, ils eurent la conviction d’une coïncidence de l’âme individuelle avec l’âme universelle. Cette voie n’a cessé de fasciner la conscience humaine avec des allers-retours incessants entre le sous-continent indien et le reste du monde.
Par-delà les flux et reflux de l’histoire et des civilisations le fond de la pensée préhistorique rejoint l’Inde par un ensemble culturel commun dont les traces sont inscrites dans les langues dites indo-européennes.
Et le nom de telle ou telle divinité répercute à l’infini des significations qui naissent, qui se perdent, qui se retrouvent au gré de l’histoire mais qui gardent toujours, en leur nom, l’essence même de leur signification.
Le mot dieu vient du sanskrit Dyaus signifiant dieu du ciel, dont la racine est div : briller.
En grec ce dieu se nomme Ζευζ et en latin Jupiter.
Div forme quasiment tous les noms de dieu dans les langues indo-européennes, depuis le deva sanskrit, le deus latin, le ziu germain, le dia irlandais, et le dieu français, etc.
L’Inde est en effet une des sources essentielles de significations permettant de comprendre le phénomène religieux.
Avant la Création il n’y avait que Brahman, l’Être pur, non manifesté, indifférencié, le Point suprême, point métaphysique, l’Energie-Conscience-Potentialité, Source de la Manifestation.
Brahman donne naissance à Shiva-Shakti premier principe créateur avec Shiva potentialité et Shakti sa puissance ou son aspect dynamique.
Shiva est l’entité inconnaissable dont le phallus est le signe et qui coïncide à la notion de Père.
C’est le Père donneur de semence, le Père du monde.
Shakti, quant à elle, en son aspect de manifestation, coïncide à la Prakriti.
Ainsi la Vibration de Brahman active la dualité Shiva-Shakti, active la Prakriti.
Avec la Prakriti nous évoquons le Sâmkhya indien et sa conception de Purusa et de Prakriti.
Purusa est tout à la fois l’Esprit cosmique mais aussi l’esprit subjectif de l’existence.
Prakriti est la Nature, la matière-énergie indifférenciée d’où jaillit la création.
L’étymologie de Pur-u-sha, littéralement plénitude d’être, peut se décomposer en Pur signifiant citadelle en sanskrit et feu en grec (Senard M. : Le zodiaque clef de l’ontologie appliquée à la psychologie p. 351 Éditions Traditionnelles).
U est un signe convertible universel faisant passer d’une nature à l’autre.
Et le sha de shakti qui veut dire énergie.
Purusa est bien, de par son étymologie, l’Être pur, l’Être plein, le Feu qui donne au monde son énergie.
C’est le sens même du mot univers, l’Un qui se verse en la Manifestation.
Cette vision de l’univers, née des intuitions fondamentales des rishis indiens avec leurs conceptions de cosmos qui naissent, s’étendent, se stabilisent, se contractent jusqu’à la résorption – déflagration finale, origine d’un cycle nouveau nous amène aux hypothèses de la physique sur le tout début de la formation de l’univers.
L’univers est né « d’un vide quantique primordial bouillonnant d’énergie où le Temps n’existait pas ».
Du temps 0 au temps de Planck soit le temps 10-43 le diamètre de l’univers atteint la taille de 10-33 cm soit 10 million de milliards de milliard de fois plus petit qu’un atome d’hydrogène ! (Mathieu Ricard, Trinh Xuan Thuan : L’infini dans la pomme de la main).
En un temps infinitésimal il passe de ce diamètre à la taille d’un cosmos !
Nous avons là une excellente métaphore d’une énergie pure, potentielle et stable qui par suite d’un déséquilibre soudain explose en un flux de lumière et de particules.
Ce pattern est reconnaissable à travers les principales divinités du polythéisme des panthéons Grec, Egyptien et Indien, mais aussi du Dieu des monothéismes.
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