Il est essentiel de comprendre que, dans ce travail, les plans individuels et collectifs sont difficilement dissociables.
Il s’agit d’une question récurrente et qui se pose avec une acuité particulière dans tout collectif.
C’est une question qui nous tient à cœur, d’où ce désir de partager, en toute simplicité, ces quelques réflexions.
S’il est fondamental pour nous, symbolistes, de travailler les questions sociales afin de participer à l’édification d’un monde meilleur, il est tout aussi fondamental de parfaire notre développement intérieur ou spirituel.
Et cette progression intérieure est justement ce qui peut nous permettre une parole plus vraie, plus juste, plus authentique.
Et l’acquisition de cette parole-là est l’outil parfait permettant un travail intellectuel sur les questions sociales qui soit rigoureux, profond, subtil et dégagé des scories de l’idolâtrie.
Et l’idolâtrie, assurément, naît à partir de ces zones de complexes, au sens jungien, qui vont surcharger certaines représentations.
Mais comment le travail symbolique peut être le préalable nous permettant d’affiner notre outil intellectuel ?
Quel lien existe-t-il entre la Parole juste et la Symbolique ?
L’Histoire, et singulièrement celle de la Grèce, est traversée par la question de l’aletheia c’est-à-dire de la vérité en grec. En effet, partant du fonds préhistorique, en passant par la pensée mythique, puis par les sectes philosophicoreligieuses (orphiques et pythagoricienne), en se prolongeant avec Parménide et le principe de non-contradiction, en intégrant les mathématiques, en s’épanouissant dans les philosophies classiques, pour être finalement récupéré, entre autres, par le monothéisme chrétien, cette question de la vérité se conjugue de façons diverses.
Entretemps, cependant, la réforme hoplitique, la constitution en phalanges, la solidarité profonde, le sentiment de participer « au même », au « semblable », la naissance des assemblées de soldats inaugurent une vérité persuasive, décisive, sur le forum.
C’est la naissance du débat démocratique, c’est l’avènement du politique.
« Anthropos physei politikon zôon »
« L’homme est par nature un animal politique »
Aristote.
Mais le travers de la persuasion va pervertir la notion de vérité en une efflorescence sophistique et rhétorique.
Revenons donc à la question : comment la Symbolique peut nous aider à acquérir une parole plus vraie et plus juste ?
D’abord il faut bien considérer que tout est symbolique ; le monde, notre corps, notre psychisme.
Tout peut être dit ou encore Tout peut être symbolisé.
L’expérience nous montre que le « jeu » psychique le plus souple, la capacité de représentation la plus fine, ont pour exigence la possibilité pour l’énergétique psychique de cheminer sans entrave sur la chaîne des signifiants.
Et les entraves sont justement représentées par ces zones de complexes, véritables nœuds d’ambivalence et d’attachement à certaines représentations.
Et ces formations de complexes, par attachement à des représentations, sont ce qui alourdit le travail intellectuel, ce qui coupe les ailes de la réflexion, ce qui éloigne les Muses, et rend le travail rigide et dogmatique.
La Symbolique et l’égrégore nous offrent l’opportunité inespérée de nous arrimer un stock immense de symboles universels, patrimoine de l’humanité, retrouvés en tous lieux et en toutes époques en amont des récupérations religieuses.
Cette immersion dans les symboles se fait dans le cadre et la structure de collectifs fonctionnellement organisés sur le mode de la triangulation permettant la mise en place de systèmes tampons atténuant les phénomènes de surcharge, d’attachements de clivage et d’ambivalence.
Cela même qui a été repéré comme entravant l’enchaînement des représentations.
Ce processus s’effectue, bien sûr, au fil du temps et dans la succession des temps de réunions.
L’afflux de symboles enrichit considérablement la fonction de symbolisation ou capacité vraie à penser.
C’est cette fonction de symbolisation qui permet l’abréaction de nos traumas, c’est elle qui produit l’alliage des représentations de choses aux représentations de mots.
Comme le rêve réussi nous permet d’esquisser des solutions imagées.
Symboliser c’est entrevoir des solutions.
Symboliser c’est permettre à nos conflits et blessures de s’élaborer en émergeant à la conscience.
Symboliser c’est se réparer comme, au plan collectif, les mythes, légendes, fables et éléments du folklore sont les réparations cicatrisées des cataclysmes passés.
Symboliser c’est activer une structure psychique appelée par les analystes Préconscient et qui recouvre peu ou prou le concept de Subconscient.
Ce Préconscient, intermédiaire entre l’Inconscient proprement dit et le Conscient, permet la transcription des images mentales, des représentations de choses en représentations de mots.
Lui seul permet la transcription de la totalité du réel en totalité du langage.
Et c’est ce langage imagé ou ces images parlantes qui conditionnent une parole juste, une parole en correspondance avec le logos grec, la Parole.
Pour arriver à symboliser il faut donc nous nourrir, nous enrichir de métaphores et de métonymies.
De même que les omégas 3 enrichissent le tissu cérébral de chaînes lipidiques précieuses aux gaines de myélines des neurones, de même les symboles universels imbibent notre esprit de ferments réparateurs.
Comme les acides aminés réparent les chaînes neuronales endommagées, de même les symboles amènent les éléments indispensables à une réflexion riche et profondément humaine.
Et d’ailleurs toutes les situations, toutes les crises, tout ce que l’homme a pu connaître depuis qu’il parcourt la Terre ; s’est organisé, s’est structuré, s’est réfléchi dans l’élaboration symbolique qui tapisse son activité mentale.
Quelle situation actuelle, quelle question de notre époque ne pourrait être en lien avec ce qui a été imaginé et pensé depuis la nuit des temps ?
Oui quelle question d’ici et maintenant ne pourrait trouver sa correspondance avec tel ou tel symbole ?
Et la singularité même du progrès technique, si elle était évoquée comme argument contradictoire, appellerait certainement l’évocation de mythes incontournables tels que ceux des Titans, de Prométhée et pourquoi pas du Déluge !
Ces quelques vers issus de l’Ecclésiaste sont éloquents :
« ce qui fut, cela sera,
ce qui s’est fait se refera,
et il n’y a rien de nouveau sous le soleil ! »
Revenons à notre monde des représentations.
Les représentations de mots sont en rapport avec notre monde cognitif, les images mentales et les symboles sont en rapport avec notre monde originel, le monde de nos premières années.
Les premières représentent le pôle intellectuel, les secondes le pôle affectif de notre moi profond et authentique.
Faire un pont entre notre monde intime, affectif, pulsionnel, sensible et notre monde intellectuel voilà un autre enjeu de notre démarche.
Le Préconscient est chargé de cette mission.
La Symbolique est donc bien ce qui nous permet d’activer, de réparer, de renforcer le Préconscient. Plus nous progresserons sur le chemin de la symbolique, dans le cadre de nos assemblées, plus nous renforcerons notre Préconscient et plus notre travail sur les questions sociales deviendra juste et pertinent en même temps que notre Moi se rapprochera un peu plus de notre Soi !